Le Togo, ça vous dit quelque chose ? Ah oui, vous en avez vaguement entendu parler dans vos journaux, à la télé ou encore à la radio.
« Émeutes au Togo suite aux élections présidentielles des jeunes de l’opposition se rebellent et tuent des ressortissants étrangers, la population est terrorisée (…) ou encore « mort d'Eyadema GNASSINGBE, Chirac déclare : "Je déplore la perte d'un ami personnel et d'un ami de la France..."
On est en droit de se poser des questions sur les informations relayées sur l’Afrique par la France. Ce doute est d’autant plus fondé que lorsqu’on y regarde de plus près, on réalise rapidement que la situation telle qu’elle est décrite par nos médias est loin d’être le reflet d’une réalité effective dans les pays concernés.
On a pu s’en apercevoir encore tout récemment lors des conflits en Côte d’Ivoire et cela se manifeste à nouveau avec le Togo.
Ce n’est pas tant le peu de temps ou de lignes consacrés à ces conflits qui est surprenant, c’est surtout la non véracité des faits décrits.
En effet la France se distingue, une fois de plus, par son incapacité à reconnaître en tant que tels les pays qu’elles a colonisés tout comme elle nie l’influence qu’elle maintient encore actuellement dans nombre d’ex-colonies et les conséquences que cela peut avoir.
C’est lors d’un sommet au Bénin sur la culture de la paix dans les pays d’Afrique que j’ai rencontré Stéphane.
Stéphane est Togolais, il est responsable d’une association qui œuvre en faveur de la jeunesse au Togo. (JADI TOGO)
Son association oeuvre pour aider les jeunes orphelins, les jeunes filles prises dans la prostitution, elle organise aussi des chantiers internationaux et d autres actions.
Lorsque je l’ai rencontré, je ne connaissais rien de la situation au Togo, je pensais même que c’était une démocratie qui fonctionnait assez bien, autant qu’il soit possible dans un pays d’Afrique. (Et pourtant, je fais partie d’une minorité de personnes conscientes de la problématique africaine, de l’histoire coloniale et de ses conséquences)
Je fus même étonnée de son inquiétude quant à l’avenir de son pays. Mais après dix jours passés à débattre de la Paix en Afrique et à échanger sur les différentes situations politiques, sociales et économiques des pays représentés à ce sommet, j’ai pris conscience que même pour les autres pays comme le Togo où les conflits n’étaient pas encore réellement activés, ils étaient pour la plupart assis sur une bombe prête à exploser.
Il y a quelques mois, Stéphane m’annonce que le président dictateur Eyadema Gnassingbe est mort et que bientôt des élections démocratiques auront lieu. Mais il restait sceptique quant à l’issue de ces élections.
Les Togolais en général étaient pleins d’espoirs, ils sortaient de 38 ans de dictature et voici que la possibilité d’un avenir plus clément s’offrait à eux.
Le peuple Togolais attendait avec impatience ces élections, et c’est en masse qu’ils sont allés voter.
Mais voilà, il se trouve que c’est feu le fils de l’ancien président qui est élu; ou plutôt, qui s’auto déclare président !
C’est une vaste mascarade à laquelle ont droit les Togolais. Ils savent que les élections ont été truquées, il y a même un observateur international béninois qui a dénoncé le nombre démesuré d’enveloppes comparées au nombre de votants, plus tard, d’autres observateurs internationaux confirmeront. (bien qu’une grande majorité des observateurs internationaux ait initialement déclaré que les élections s’étaient déroulées le plus démocratiquement possible…)
Mais c’est ainsi !...Pour les togolais il reste encore un espoir : les communautés internationales dont le rôle supposé est d’œuvrer en faveur de ces pays pour faire respecter démocratie et droits de l’homme.
Il y a même cet exemple récent en Ukraine, où des élections ont été reconduites car il était manifeste qu’elles avaient été truquées.
… Oui mais il se trouve que les Ukrainiens sont blancs. Et sans vouloir sombrer dans la parano, il est évident au regard de ce constat et tant d’autres similaires que les noirs et les blancs n’ont pas les mêmes droits, le même statut aux yeux de la communauté internationale. (Et si vous y trouvez d’autres explications elles sont bienvenues…)
Cela s’est donc illustré ainsi au Togo, Faure Gnassingbé s’est empressé de « punir » ceux qui ne l’ont pas supporté par l’urne. En commençant par ceux de son propre parti qu’il ne jugeait plus utiles ou qui ne l’avaient pas soutenu avec assez de convictions.
Boko, ex ministre de la défense, représentait à ce titre un danger. Avant mêmes les élections, il avait commencé à alerter la population sur le risque de triche, et leur conseillait de se réunir afin d’éviter le pire. De plus, il détenait des secrets sur la défense nationale, il fut ainsi une des premières personnes du parti qu’il fallait éliminer. Soutenu uniquement par l’ambassadeur d’Allemagne au Togo, il du se réfugier à l’ambassade avant de quitter le pays.
Aujourd’hui le peu d’informations qui nous sont communiquées sur le Togo nous disent que tout est sous contrôle, les conflits sont étouffés, les activités ont repris à Lomé.
Hélas, tout cela est loin d’être le reflet de la réalité Togolaise. Il se trouve qu’actuellement, les gens n’osent plus circuler dans la rue, les commerces sont presque tous fermés, ceux qui restent ouverts ne le sont qu’à moitié et prennent de gros risques, la population est révoltée mais aussi terrorisée et ne peut compter que sur elle-même.
Mais le plus inquiétant aujourd’hui reste les tueries dans les villages, notamment dans la région des plateaux, une des régions ou Faure Gnassingbé n’a pu influer sur les votes. Les habitants de ces villages payent aujourd’hui leur foi en la démocratie. Faute de n’avoir pas pu influer les votes dans ces zones, Faure Gnassingbé a pu évaluer les régions et villages qui ont le plus massivement voter contre lui.
Tout comme pour les punir, en bon fils de son père, il organise actuellement, au moment même où tu lis cet article, tueries et séances de torture dans les villages.
Le témoignage de Stéphane à ce sujet est plus qu’éloquent, il vient justement de la région des plateaux, mais vit à Lomé. Inquiet quant au sort de sa famille, il s’y est rendu. Quel ne fut pas son étonnement lorsqu’il trouva les villages désertés de leurs habitants. Terrorisés par les tueries et tortures qui leur sont infligées, les habitants se réfugient dans les champs environnants.
Tout Togolais allant à l’hôpital se trouve amputé d’un bras ou d’une jambe. D’après Stéphane, les médecins agissent sous ordre du gouvernement.
Les malades ne sont plus soignés et n’osent se rendre à l’hôpital, les morgues sont pleines. Et tout comme les images du Tsunami qui vous ont tous probablement touchés, les Togolais passent à présent leurs journées à visiter les morgues à la recherche d’un proche.
Il est sûr que si nos amis Pernaut et confrères nous abreuvaient d’images du Togo tout comme ils nous ont abreuvé d’images « Tsunamiesques » des millions de dollars de donations auraient déjà été faites au Togo et c’est des pays entiers qui se mobiliseraient pour cette cause!
Mais voilà, les médias ont l’art de nous souffler quelle cause défendre, ce qui est choquant ou non, ce qui vaut une mobilisation ou pas. N’allez pas me dire, après un constat si évident qu’il n’y a pas de discrimination par l’information. Il est sûr que le Togo n’est pas une destination privilégiée pour les pédophiles et autres touristes européens. Ça n’en reste pas moins un peuple en détresse.
Aujourd’hui, Stéphane est inquiet pour l’avenir de son pays, il a peur qu’il…disparaisse !
On évalue déjà à 18 000 le nombre de personnes ayant déserté le pays, sans compter ceux réfugiés dans les champs.
Tout comme la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone, le Rwanda et bien d’autres, le Togo est en danger. Si nous continuons cette indifférence, nombre d’autres pays africains sombreront dans des situations similaires d’ici peu.
Le Togo est en danger, l’Afrique est en danger.
Et la France s’illustre par son mutisme tout comme les institutions internationales, à croire que leur seul but est de piller les richesses de ces pays, et de mettre en place les dictateurs qui les aideront dans ce processus.
Je ne remontrais pas jusqu’à la colonisation et les conséquences du découpage géographique de l’Afrique, mais pour nombre des pays mentionnés, la France à un rôle important à jouer dans ces conflits. De l’origine de ces conflits à l’alimentation de ceux-ci (comme par exemple la vente d’arme) c’est tout bénef pour la France ! On sacrifie un peuple car on estime qu’il ne vaut rien de plus! Et bien sûr on en tire tous les bénéfices possibles !
L’Afrique est en danger, ce qui se passe aujourd’hui au Togo est le reflet de la réalité des pays Africains, certains sont déjà passés par là, d’autres sont en bonne voie.
Ce n’est pas une malédiction dont est victime l’Afrique, ce n’est pas un continent pauvre en ressources naturelles et humaines, c’est un continent exploité.
Lecteur de cet article, aujourd’hui je n’ai pas honte de te supplier de prendre conscience de tout cela, de t’informer sur l’histoire de ton pays et d’informer tes amis, tes collègues qui ont eu la malchance de n’avoir que le programme de l’éducation nationale et, plus tard les JT de (d’un) JPP comme source d’information sur le sujet. Il faut (s’) informer sur ce qu’il se passe en Afrique, prendre conscience qu’en dehors du sida, du paludisme, de la famine et la pauvreté, les pays Africains sont manipulés et tirés vers le bas volontairement par de grandes puissances occidentales qui voient en ce continent une vache à lait de choix.
Je finirais par une phrase de l’ambassadeur du Congo au Bénin qui, lors de notre rencontre a su résumer la situation africaine en une phrase :
« Le tort de notre pays est d’être trop riche en ressources et non trop pauvre comme certains peuvent le croire »
A.D